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samedi 28 avril 2018

Elever un enfant plurilingue (épisode 1)


Ce n'est même pas un choix, c'est juste une situation factuelle. Amaury a été exposé depuis sa naissance à l'anglais et au français, et l'espagnol est venu compléter le tableau à partir de son entrée à la crèche à l'âge de cinq mois. Son acquisition du langage ne semble pas souffrir de ce bain multilingue, puisque nous avons un système très rodé, et aussi très naturel. Avec moi, le français est la langue unique. Pas d'anglais, jamais, sauf rares exceptions, même si je maitrise la langue et que je passe mes journées à parler en anglais avec mes petits patients. Avec Logan, le français et l'anglais sont utilisés, en fonction du contexte. Notre langue familiale est majoritairement française, mais lorsque mes deux hommes sont seuls, l'anglais est largement dominant. Et puis, puisque nous sommes à Miami, et que 75% de la ville de Miami parle espagnol, la crèche est un environnement hispanophone. Plusieurs types d'espagnols s'y côtoient, cubain, colombien, de la république dominicaine... Jusqu'à présent, cet apprentissage a été totalement naturel et pour le moins involontaire. Mais lorsqu'il a été question de choisir une nouvelle crèche pour l'an prochain, nous nous sommes tournés vers un établissement où l'espagnol continue à être majoritaire, car il est fort possible qu'Amaury finisse par perdre cette langue. A partir de 5 ans, l'école publique n'est qu'en anglais, l'espagnol y est banni, et de fait, il nous semblait important qu'il puisse continuer à l'apprendre sans s'en rendre compte. Quelques petits faits sont à rappeler concernant l'apprentissage simultané de plusieurs langues : être bilingue n'est pas un inconvénient, c'est plutôt un avantage. Les enfants qui sont exposés à plusieurs codes linguistiques grandissent en étant plus performants pour les activités multitâches. Etre bilingue n'entrave pas le développement normal du langage, que ce soit au niveau sémantique (acquisition du vocabulaire), et morpho-syntaxique (grammaire). Parfois, certains professionnels diront (à tort) que l'acquisition du vocabulaire est freinée par le multilinguisme. Or, si l'on additionne les mots connus dans toutes les langues parlées par l'enfant, il n'y a normalement aucun retard. Je m'étais toujours dit qu'Amaury aurait peut-être besoin d'un peu plus de temps pour s'y retrouver dans ce capharnaüm linguistique, et que peut-être il aurait un petit retard de langage. Mais force est de constater que tout se passe très bien à ce niveau-là. A deux ans et un mois, il fait des phrases de 3 ou 4 mots, il retient de nouveaux mots tous les jours et progresse très bien en terme d'articulation et de parole. Souvent, il m'arrive de rire dans ma moustache en l'écoutant jouer et parler tout seul. Le mot "truck" a longtemps été prononcé comme un gros mot anglais (pour cela, imaginez un /f/ à la place du groupe consonantique /tr/). La glace à la pistache a longtemps été prononcée "p-é-tasse". Et maintenant, Amaury sait très bien quelle langue il doit utiliser avec ses différents interlocuteurs. Il ne me parle jamais en anglais ou en espagnol, sauf pour des mots qu'il ne connait que dans ces langues-là. Un seul marqueur ostensible de son plurilinguisme est pourtant visible. Pas moyen de lui faire dire "oui", il répondra toujours spontanément yeah. Alors je compte bien sur notre petit séjour en France cet été pour que le bain de français du Jura nous booste un peu tout ça...

vendredi 6 avril 2018

Fitting in


J'ai vécu à beaucoup d'endroits, plus que certaines personnes, moins que d'autres, mais une chose est sûre, je ne me suis pas toujours sentie chez moi partout. Rien ne remplacera jamais ce sentiment d'appartenance à mon cher Jura, mais cette sensation est plus empreinte de souvenirs que de réalité concrète. Après le Jura, je suis restée en Franche-Comté ; trois ans de concours et trois ans de galère à Besançon, où je n'ai jamais vraiment eu l'impression d'être chez moi et de me fondre totalement dans le paysage. Des années de bachotage, de déceptions universitaires, peut-être les années les plus sombres de ma vie. Puis Lyon, la ville de tous mes meilleurs souvenirs, une ville que je chérie plus que tout et où j'aimerais revenir habiter un jour. Qui sait, peut-être à l'aube de la retraite, ou d'ici une vingtaine d'années lorsque la Floride et son soleil perpétuel seront devenus lassants et obsolètes ? Il m'a fallu peut-être deux ans pour apprivoiser cette immense ville et m'y sentir tout à fait comme chez moi. En fait, ce sentiment a plus ou moins coïncidé avec ma rencontre avec Logan. Plus de concours, des études qui suivaient une voie toute tracée, la vie y était presque simple à l'époque. Notre super appartement dans le vieux Lyon avec vue sur les quais de Saône y était peut-être pour beaucoup, et puis c'est aussi la ville de notre mariage, la ville des premiers souvenirs ensemble, la ville de mon école d'orthophonie et la ville où j'ai été diplômée. A Lyon, I fitted in. Les anglophones abordent très bien cette sensation d'appartenance, d'être à l'aise et d'être chez soi. Et puis, après un séjour de quelques mois dans le Jura, dans l'attente bien impatiente de mon visa pour les Etats-Unis, j'ai finalement débarqué en Pennsylvanie centrale, dans un charmant petit village aux vaches plus nombreuses que ses habitants. J'ai été accueillie très chaleureusement par la communauté locale, faite d'universitaires et de locaux, et je me suis toujours sentie relativement chez moi. Mais pas au point d'appartenir complètement à la communauté locale. An odd piece. Un genre de pièce rapportée, presque exotique pour certains, appréciée, mais toujours un peu en décalage avec ma culture d'origine. Un petit passage par Paris, pour une courte année, puis un peu plus tard par Tours, pour une autre année, et nous sommes finalement arrivé à Miami. Et aujourd'hui, pour la première fois depuis Lyon, je retrouve cette sensation d'être totalement chez soi. Miami est une grande ville, cosmopolite, où tout le monde vient d'ailleurs ou presque, où de nombreux langages et de multiples cultures se côtoient, et où finalement être française n'est pas tellement ni exotique ni très intéressant. C'est là que je peux enfin palper ce sentiment, beaucoup plus tangible, d'être chez moi. Tout le monde se fiche pas mal que je sois française ici. I truly fit in. Trop de personnes ont un parcours atypique ici pour que quiconque puisse sortir du lot. Alors je peux dire que Miami est véritablement devenue ma home, sweet home...